Les débuts d’une traductrice freelance

Entre deux traductions, ou plutôt après une traduction et avant d’attaquer l’étape de relecture, je décide de parler un peu de mon expérience. Une vingtaine de personnes sont venues me demander, depuis mes débuts en tant que traductrice indépendante en France, si le métier est bouché, difficile, comment trouver des clients, tous les traducteurs travaillent-ils en pyjama, faut-il impérativement un master de traduction, et mille autres questions. Je ferai quelques autres articles, bien plus courts, pour aborder des sujets plus précis 🙂

J’ai émis ma première facture en juillet 2018 ; je parlerai donc exclusivement de ce que je connais et ne dépasserai pas les limites de mon expérience – je laisse cette affaire à mes collègues plus chevronnés.

L’installation

En France, le métier de traducteur indépendant fait partie des professions non réglementées : officiellement, nul besoin de diplôme pour l’exercer. L’absence de diplômes a cependant certaines limites, car la majorité des entreprises de traductions font appel à des traducteurs freelances qui ont un Bac+5, avec un master de traduction.

La première consiste à obtenir un numéro SIRET et à ouvrir un compte en banque. Pour la micro-entreprise, un compte courant dédié à l’activité est suffisant (au cas-où certaines banquent essayeraient de vous soutirer des frais bancaires pour un compte pro inutile). Les premières démarches sont rapides, deux semaines plus tard le SIRET arrive et vous lance dans le grand bain de l’entreprenariat.

Les communautés de traducteurs

Nous sommes de très nombreux traducteurs sur le « marché », qui traduisons tous des types de textes différents, dans diverses combinaisons de langues ; mais en matière de traduction, nous rencontrons tous des situations très similaires : les défis liés à la relation client (would you please consider paying last month’s invoice danke schön), les défis de traduction (passer 45 minutes à rechercher un terme en contexte, croiser les sources, utiliser le fruit de nos pérégrinations multi-onglets dans un soupir de satisfaction et de soulagement tandis que Trados l’avale goulûment dans la MT*), les soucis logiciel, rester diplomate face à toutes les situations, et bien d’autres encore. Dès les premiers mois, j’ai sillonné les réseaux pour trouver des lieux de partage entre traducteurs, et beaucoup d’entre eux m’ont aidée à me sentir moins seule (il faut le dire, c’est un métier plutôt solitaire.) : Things Translators Never Say, Translators with CATs ; des conversations Discord avec une collègue traductrice de jeux vidéo indépendants, qui rencontre toujours de formidables défis de traduction/transcréation. Et enfin, mon adhésion à la SFT.

S’organiser

Puisque les traducteurs travaillent majoritairement dans le confort – parfois relatif – de leur maison, il faut aussi savoir basculer de l’état d’esprit « personnel » à « professionnel » une fois la journée commencée. Une fois Monsieur parti, vers 8h30, je suis habillée de la tête aux pieds comme s’il fallait sortir en ville ; l’état d’esprit vestimentaire me permet de me concentrer immédiatement. C’était l’un des plus grands défis les premières semaines : trouver cet état d’esprit. J’ai donc installé un bureau « professionnel » dans un coin lumineux de l’appartement pour compartimenter mon activité : ça marche !

Il faut aussi savoir s’occuper utilement quand les traductions sont bouclées et livrées. Il serait facile de se dire qu’on n’a plus rien à faire et que la journée est terminée. Mais alors, voyons, les factures ? Les petits détails de gestion de projet à régler ? Les templates de devis sont finis aussi ? Pas sûr.

J’ai remarqué quelques idées essentielles qui me permettent de mieux rythmer ma journée :

  • Il est très difficile de travailler à pleine concentration entre 13h30 et 15h30
  • Abattre la majorité du travail avant 11h30.
  • On se laisse facilement déborder le soir et le week-end si on avance trop lentement durant la journée de travail qu’on s’était fixée
  • Mieux vaut anticiper les imprévus et prévoir une marge de relecture avant livraison.

Savoir se ménager

Je pense que nous sommes nombreux à faire cette erreur au début : accepter tous les projets qu’on nous propose, ne rien refuser, se retrouver à bosser jusqu’à 23h ou au-delà en semaine et grignoter son repos du week-end. On ne va pas se mentir, il suffit d’un projet un peu plus long que prévu ou d’un événement personnel pour décaler tout un planning ; ça peut arriver, mais mieux vaut éviter d’entrer dans cette spirale sur le long terme.

  • Faire des pauses toutes les heures, idéalement.
  • Boire toute la journée (de l’eau) (oui oui)
  • Ne pas négliger la pause du midi
  • Se donner des objectifs précis pour ne pas déborder sur la soirée
  • Du sport pour compenser une journée assise derrière le bureau
  • Ne pas accepter un délai impossible

Bilan au bout de 9 mois

Après quelques projets très volumineux et des week-ends studieux, je suis contente d’entretenir de très bonnes relations avec mes clients et de vivre de la traduction. Je pense qu’il est très important de se tenir à jour des actualités de son métier et de continuer à se former, à rencontrer des collègues et à participer aux événements autour de la traduction pour rester épanoui dans cette profession qui peut être parfois assez solitaire. C’est un aspect dont on ne m’a pas assez parlé au cours de ma formation ; il ne faut surtout pas négliger les contacts personnels et professionnels.

Les prochains articles : « La fausse solitude du traducteur freelance », « Concilier projets personnels et vie professionnelle », « Ce que m’a apporté le master de traduction, bilan après une année de traduction indépendante », « Comment trouver ses premiers clients en freelance »

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Disclaimer : Bien sûr, tous les traducteurs n’ont pas la même expérience de leurs débuts en traduction, font pas les mêmes erreurs et ne progressent pas au même rythme. Ce blog est axé sur la transmission : Si vous êtes un(e) jeune traducteur/rice indépendant tout fraîchement diplômé ou un(e) étudiant(e) qui se demande quels sont les débouchés des études de langues, je serais ravie de vous répondre personnellement ou de vous mettre en contact avec des réseaux de traducteurs professionnels !

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